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28 mai 2006 7 28 /05 /mai /2006 20:32

Le Télégramme, 28 mai 2006

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10 mai 2006 3 10 /05 /mai /2006 21:29

              Après Fougères il y a quelques temps, le Festival national « Danse Danse Danse et l’enfant » de la Fédération Française de Danse était de retour cette année en Bretagne. Il avait lieu les samedi 6 et dimanche 7 mai à l’Espace culturel l’Hermine à Sarzeau.

               Des enfants venus de toutes les régions de France se sont retrouvés pour danser autour des thèmes de la mer et du sable. La belle salle de spectacle de Sarzeau a offert aux danseurs et danseuses l’occasion de montrer sur scène leur travail dans des styles différents, danse africaine, jazz, classique ou contemporain, mais c’était surtout l’occasion de se rencontrer, de partager et d’échanger autour de la danse.

              En plus des spectacles, les enfants ont pu participer à divers ateliers durant le week-end : théâtre, chant et percussions et, bien sûr, danse.

              Les moniteurs de Bleuniadur assuraient l’atelier danse bretonne avec les danseurs et moniteurs du groupe « An dañs kozh » de Sarzeau. C’était l’occasion, pour les jeunes danseurs et danseuses de découvrir la danse traditionnelle. Les enfants ont travaillé la danse de la région, le bal de Rhuys, mais se sont également initiés à quelques danses de Haute Bretagne. Une grande parade avec plus de deux cents enfants a permis, le dimanche midi, de montrer les productions des ateliers dans les rues de Sarzeau.

  

             Un autre membre de Bleuniadur était présent : Nicolas, qui a assuré la technique tout le week-end.

              Enfin, la FFD a fait une belle surprise à Bleuniadur, qui s’est retrouvé au programme du festival, sans le savoir. Les organisateurs nous ont fait l’honneur de mettre, dans le programme, une belle photo : celle des ados de Bleuniadur Gwenn aux rencontres nationales de Reims en juillet 2005. En présentant de la danse bretonne, avec « Hanter’natif », ils ont gagné une médaille de bronze. Merci beaucoup à la fédé pour ce beau cadeau !

                                         Les ados de Bleuniadur Gwenn dans "Hanter'natif" (photo Hervé Millard)

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9 mai 2006 2 09 /05 /mai /2006 16:25

             Bleuniadur sera en spectacle dimanche 14 mai à Plouédern à l’occasion de l’anniversaire du Cercle celtique "Sevenadur D'An Oll".                                                              Le groupe "Sevenadur d'an holl" en costume de Plouédern

             

               Après une première partie assurée par le groupe de Plouédern, Bleuniadur présentera, accompagné de Gwelloc’h, un nouveau spectacle composé de chorégraphies déjà connues, mais aussi de nouvelles suites de danses.

              La suite de l’Aven et du pays bigouden, la suite de Plélauff, qui présente des danses des pays fisel et kost-ar-c’hoat et la suite de Poullaouen sont extraites de notre précédent spectacle, mais ont reçu, cette année, un petit coup de jeune qui devrait surprendre.

                                                                                                 Gavotte de Poullaouen

 

                 Ce spectacle à Plouédern sera aussi l’occasion pour le public de découvrir pour la première fois les nouvelles chorégraphies créées spécialement pour notre tournée aux Etats-Unis. La suite de tours du gallo-vannetais, la nouvelle suite de gavottes du Bas-Léon, la suite vannetaise et la suite du Porzay n’ont encore jamais été présentées et réservent quelques surprises chorégraphiques. Il y aura aussi une suite de Carantec et Locquénolé, qui présente notamment des rondes, danses-jeux, grand-danses, bals, tourbillon et  jabadao, qui sont rarement donnés en public.

                 Ce sera également l’occasion de voir le groupe adolescents « Bleuniadur Gwenn », qui a obtenu récemment le niveau régional de la FFD avec sa chorégraphie intitulée « Balad ».

Spectacle à partir de 15 heures à la salle de Plouédern.

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29 avril 2006 6 29 /04 /avril /2006 11:37

                 Suite à sa qualification pour les Rencontres Nationales de Danse, le solo « Ulwenn » a été présenté au Festival des « Dits de Danse » à Brest le 14 avril. Ce festival, organisé par l’association Escabelle (visitez leur site web), a lieu chaque année à la Maison du Théâtre-Le Stella. Pendant deux jours, les « Dits de Danse » accueillent des compagnies amateurs de danse contemporaine de toute la Bretagne, et plus particulièrement de la région brestoise. Etaient présentées, entre autres, des chorégraphies de « Au cœur de la Danse » ou la Compagnie « XXY » de Sophie Lemière. Dans le spectacle du vendredi, j’ai eu un coup de cœur pour les étudiants en STAPS, qui ont présenté une pièce pleine d’humour et de fraîcheur.

                                             Ulwenn (Photo Benjamin Deroche)

                L’ensemble du festival a été capté par le photographe Benjamin Deroche. Visitez son site (cliquez ici) pour voir d’autres photos d’Ulwenn, toutes les photos des « Dits de Danse », ainsi que des photos du Festival Antipodes.

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29 avril 2006 6 29 /04 /avril /2006 10:37

De 1996 à 2001, la collaboration entre Bleuniadur et le Bagad Plougastell a produit quelques grands moments de l'association bagad-cercle en Bretagne. Certaines des chorégraphies créées ensemble comme la Suite de l’Oust et du Lié ou la Suite de Gouézec font référence, aujourd’hui encore. On se souvient aussi des spectacles « E Tal an Tan » ou « S’il tombe, il se relève » et cette collaboration a été consacrée, à Carhaix en 2000, par le Trophée Bagadañs du meilleur ensemble bagad-cercle de Bretagne. C’est à Carhaix, au festival Bagadañs, que Bleuniadur et le Bagad Plougastell se retrouveront pour présenter leur nouvelle création le 14 juillet prochain.

Après quelques années durant lesquelles chaque groupe a mené de nouvelles expériences musicales ou scéniques chacun de son côté, Bleuniadur et le Bagad Plougastell se sont retrouvés pour un grand spectacle à Plougastell le 12 novembre dernier, au côté du Cercle Dañserien ar Vro Pourlet du Croisty et du Cercle Bleunioù Sivi de Plougastell. Cette création, la première du Bagad Plougastell, intitulée « Lusk ha Lamm » a remporté un vif succès et les groupes ont décidé de reconduire leur collaboration. Ils sont invités à présenter une partie de ce spectacle pour la clôture du festival Bagadañs.

Sur la musique du Bagad Plougastell, le Cercle du Croisty et Bleuniadur reprendront des suites de « Lusk ha Lamm », mais présenteront aussi de nouvelles créations qui seront données pour la première fois à Carhaix.

Outre une suite de gavottes du Bas-Léon, Bleuniadur présentera une Suite du Porzay (pays de Douarnenez et Locronan). Cette suite tient particulièrement à cœur au Bagad puisque le président est originaire de cette région. C’est une pièce musicale pleine de poésie qui, au fil des thèmes traditionnels, mélodies ou danses (gavotte, bals, jabadaos), se fait se croiser les ambiances sonores du pardon de Saint Anne La Palud et la légende emblématique du pays du Porzay : le mythe de la ville d’Ys. La chorégraphie s’est attachée à rendre en danse toute la richesse de la musique et des ambiances : magie de la ville d’Ys, violence de la mer et dualité de ce pays tiraillé entre sa foi et sa richesse. C’est une chorégraphie ambitieuse par sa longueur (15 minutes) ainsi que par son approche de la scène, qui mêle tradition et modernité. La danse présente à la fois une approche ethnographique en exposant des appuis anciens et peu connus des danses du Porzay et une approche créatrice en s’inspirant d’une gestuelle contemporaine à partir des tableaux représentant la chute de la ville d’Ys, notamment « La fuite du Roi Gradlon » d’Évariste-Vital Luminais (Musée des Beaux-Arts, Quimper).

Le spectacle s’achèvera par un grand final entre les trois groupes, avec une chorégraphie développant une dañs round du Pays Pagan et une gavotte du Pays Pourlet. Après avoir marqué le Bagadañs en 2000, les groupes souhaitent, par cette approche, aborder un nouveau tournant dans la présentation scénique associant un bagad et des ensembles de danse.

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19 avril 2006 3 19 /04 /avril /2006 14:12

               L’ambiance était chaleureuse, le week-end dernier, pour le fest-noz que nous organisons chaque année à Saint-Thégonnec.

               L’après-midi, la piste avait été chauffée par une vingtaine de danseurs venus découvrir ou se perfectionner dans le répertoire des danses du Léon. Ce fût l’occasion pour eux de pratiquer toute la diversité de ce territoire, petit mais très varié par ses danses : gavottes du Bas-Léon, dañs leon, jabadaos, rondes, présentées dans des formules peu connues.

                          Les stagiaires en double front pour une dañs leon.

              Après un repas crêpes pour prendre des forces, la danse a repris sa place sur le parquet de la salle des fêtes. Ce sont plus de 200 danseurs qui ont voyagé à travers tous les terroirs de Bretagne sur la musique de Gwelloc’h, de Crépillon-Bigot, des Kanerien Sant-Tegoneg et du Bagad Plougastell. Le stand Bleuniadur, tenu par Eric, a été l’occasion, pour ceux qui ne le connaissait pas encore, de découvrir le DVD du spectacle « Ololé ».

         Le Bagad Plougastell a enchaîné, entre autres, gavotte du Bas-Léon, gavotte bigoudène et gavotte pourlet.

              Un grand merci et un grand bravo à tous ceux qui ont participé à la réussite de cette journée : Alain pour le stage de danses du Léon et les danseurs et danseuses venus donner un coup de main pour présenter les danse et aider les stagiaires (Fabienne, Audrey, Julie, Viviane, Liza, Alice, Jean-Michel, Gauthier, Sylvain), et bien sûr, le grand organisateur en chef, Anthony, assisté de ses nombreux bras musclés et motivés : Roland, Nicolas, Viviane, Annaig, Boris, Eric, Anne-Marie, les crêpières, et tous ceux et celles que l’on ne peut citer, mais que l’on oublie pas. Merci aux chanteurs, sonneurs et musiciens de nous avoir fait danser jusqu’au bout de la nuit et à Jean-Marie pour la technique.

              En fin de soirée, on a procédé au tirage de la tombola, dont voici les gagnants :

Un repas au Casino de Roscoff : Madeleine DOUAUD (Rezé), Martine LE DANTEC (Landivisiau), Nicolas PRIGENT (Quimper), Gaël PICHAVANT (Lesneven), Erwan SALAUN (Sainte Sève), Manon RAMONET (Le Folgoët).

Un repas aux « Fromentines » (Saint-Pol-de-Léon) : Frédéric CLAUDE (Carhaix), Olivier BANZA (Plougoulm), Nolwenn JEZEQUEL (Taulé).

Un repas au « Kinh Do » : Pierre-Yves CORRE (Plougoulm), Christine PERON (Saint-Pol-de-Léon).

Un repas au « Relais du Vern » (Landivisiau) : Anne MEAR (Cléder), Yvonne ACQUITTER (Saint-Pol-de-Léon).

Un repas « Chez Gaby » (Carantec) : Yves PASTOL (Plouigneau).

Deux homards : Sylvain LE GOFF (Saint-Thégonnec).

Pour voir toutes les photos du stage et du fest-noz du 15 avril, cliquez ici.

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10 avril 2006 1 10 /04 /avril /2006 13:09

Samedi 8 et dimanche 9 avril, Bleuniadur était en compétition au Centre culturel de La Forêt-Fouesnant pour les rencontres chorégraphiques régionales de la Fédération Française de Danse. Trente-cinq groupes de toute la Bretagne et de tous styles (contemporain, jazz, classique, traditionnel) tentaient de décrocher une qualification pour les rencontres nationales, et ce dans différentes catégories : soliste, duo, trio, et groupes adolescents, jeunes adultes et adultes.

 

Les chorégraphies étaient évaluées par un jury composé de professionnels de la danse : danseurs, chorégraphes, directeurs de compagnies et professeurs de danse, et présidé par Sonie Bomo, professeur dans les conservatoires de la ville de Paris où elle est adjointe à l’inspection de la danse.

 

En catégorie adolescents, les danseurs de Bleuniadur Gwenn ont obtenu le niveau régional avec « Balad », une chorégraphie sur des scottishes du Léon et de Haute-Bretagne. Ils ont reçu les encouragements du jury pour l’originalité de leur démarche.

 

En catégorie solistes, Fabrice David a interprété « Ulwenn », qui en breton signifie « poussière » sur une musique du violoniste suisse Ernest Bloch. Cette pièce, qui mêle danse traditionnelle et danse contemporaine, est une recherche sur l’esprit de la danse plin et l’expression individuelle dans le monde moderne. Basée sur une histoire vécue, elle a été chorégraphiée en collaboration avec une chorégraphe en danse contemporaine et Alain Salou, directeur artistique de Bleuniadur.

                               "Ulwenn" (Photo Alain Thomas - Le Télégramme)

Le jury s’est dit impressionné par le professionnalisme du travail présenté et la force de la chorégraphie. Il en a apprécié l’univers, à la fois très personnel et universel, porté par l’originalité de la gestuelle, l’énergie et la force d’interprétation et par un univers musical en symbiose avec le langage dansé.

 

Cette chorégraphie concourra pour une médaille en finale nationale les 1er et 2 juillet à Montluçon.

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9 avril 2006 7 09 /04 /avril /2006 22:06
Un visionnaire au service de la Bretagne.

 

Cette semaine s’en est allé l’un des plus grands chorégraphes de la danse bretonne, un homme qui, jusqu’à ce jour, a marqué de son empreinte la mise en scène de la danse en Bretagne. Jean Guihard a quitté la scène. Il disparaît dans la simplicité, le talent et la courtoisie qui font les grands hommes.

Le but de cette chronique n’est pas de retracer la vie de cet immense artiste. Il est de rappeler aux jeunes générations de la danse que, si vous êtes là aujourd’hui, c’est grâce à de grands prédécesseurs qui ont su, en leur temps, prendre des risques artistiques qui ont fini par révolutionner l’approche de la danse populaire.

Arrivant de Paris, Jean Guihard est d’abord passé par Rennes. Il faut rappeler ici que le Cercle Celtique de Rennes est un des fondements des représentations de la danse et de la musique bretonne. C’est un élément incontournable et fondateur du mouvement culturel breton en Bretagne. Ce cercle a formé à une époque la quasi-totalité des cadres de la musique et de la danse bretonne. Très moderne au temps de sa création, l’esprit de ses mises en scène fondées sur la technique de terroir et la théâtralité est encore fidèlement représenté par l’actuel Cercle Celtique de Rennes. Jean Guihard s’est ensuite installé à Concarneau, où il a collaboré avec Michaud-Vernez, puis a fondé le Cercle du Poudouvre à Dinan, avant de venir à Quimper où il a participé à la création des « Ballets Bretons Eostiged Ar Stangala » à Kerfeunten - ville à l’époque proche de Quimper (ces Ballets sont devenus le groupe connu actuellement sous le nom d’Eostiged ar Stangala à Quimper).

Je ne m’attarderai pas ici sur le travail qu’il a réalisé dans la région de Dinan où, ce qui a dominé son travail à cette époque, fut le collectage de danses de Haute Bretagne et particulièrement du Poudouvre et du Penthièvre. Ceux qui ont assisté aux stages animés par René et Marie-Claire Guéguen se souviendront sans doute des nombreuses références de ces maîtres de danse aux travaux de Jean Guihard.

Au niveau chorégraphique, il laissera une empreinte qui perdurera dans les mises en scène du cercle de Dinan et de Saint Brieuc dans les années 1970–1980, et plus tardivement encore, dans les chorégraphies du Groupe Naoned de Nantes dans les années 1990-2000.

Ballet populaire Naoned de Nantes

Sous l'impulsion de Michel Guillerme, une démarche artistique typique de l'école rennaise d'après guerre.

                              L’essentiel de l’esprit de ces chorégraphies est qu’elles sont à dominantes géométriques, avec un fort respect des styles fondamentaux des terroirs (surtout ceux de Haute Bretagne) et la recherche d’un esthétisme poussé jusqu’à l’absolu. On est très proche alors de la vision esthétisante des chercheurs collecteurs du XIXe siècle et des représentations que se font les milieux citadins de la vie rurale et pastorale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Cercle Celtique de Saint Brieuc

La première démarche de scénique de très haut niveau en haute Bretagne, simultanément avec le groupe du Poudouvre de Dinan. Les deux démarches se rattachent à l'école rennaise.

                        En venant à Quimper, et au contact d’un milieu culturel breton extrêmement riche (Jeff et Christiane Le Penven, Italo, Pondaven, Michaud-Vernez, Bernard De Parades, Pierre-Jakez Hélias, Quillevic et bien d’autres), il va gagner en maturité chorégraphique et va élaborer le langage scénique qui perdure actuellement, dans ses fondement initiaux, dans les chorégraphies du groupe Eostiged Ar Stangala.

 

 

Avant de voir ce que cet homme a apporté à la danse bretonne, il faut ici rappeler le contexte de l’époque, les années 1960. Au niveau national, on en est, en France, aux nouvelles définitions de l’art et de son rapport aux masses populaires. C’est l’époque de Jean Villard et du TNP (Théâtre National Populaire). La population en lien avec les élites s’empare du fait culturel. En Bretagne, l’art populaire et plus particulièrement la danse et la musique connaissent un engouement certain. Revitalisé en Bretagne par la guerre 1939-45 et les restrictions qu’elle impose, la danse traditionnelle est revitalisée dans les campagnes, par la population qui la pratiquait jadis. C’est une vraie révélation pour un certain nombre de jeunes en Bretagne (mais aussi dans d’autres provinces de France). L’un d’entre eux initie alors une démarche qui va être capitale. Il s’agit bien sûr de Loeiz Ropars, tout à la fois collecteur, chanteur, sonneur, danseur et militant culturel. Il relance les festoù-noz, crée le bal breton et travaille à la réappropriation par le milieu rural paysan de son répertoire traditionnel dont il va désormais faire lui-même la présentation (le Cercle Celtique de Poullaouen, par exemple) et non plus la déléguer aux Bretons expatriés ou au milieu étudiant.

A la même époque, les premiers ballets populaires de propagande des pays de l’Est (le bloc communiste d’alors) commencent à sillonner la France lors de tournées d’Etat. Il y a parmi ceux-ci le fabuleux ballet d’Igor Moïsseïev, qui aura une influence déterminante sur la notion de ballet populaire et ce jusqu’à ce jour (la majorité des troupes d’Etat de l’ancienne URSS, que l’on rencontre dans les festivals internationaux sont des clones de ce ballet). C’est une vraie révélation pour nombre de jeunes Bretons dont fait partie Jean Guihard. Mais il n’est pas le seul. Jacques Douai, Michel et Michèle Blaise, Mickaël Kerjean  et d’autres fondent des compagnies de danses populaires françaises dans l’espoir de rivaliser avec les troupes étrangères prestigieuses. Ces troupes françaises font même à l’époque une démarche de professionnalisation et proposent sur le plan artistique des démarches très innovantes.

 

Ballet populaire Dihun de Redon

Le second souffle de la création en Bretagne, dans la lignée de Jean Guihard. Cette démarche aboutira sur une troupe professionnelle de danse contemporaine bretonne, après le décès du premier chorégraphe, Lainé.

 Quimper possède, par le biais du Festival de Cornouaille, une vitrine qui est absolument nécessaire à ce type de démarche artistique et c’est donc tout naturellement à coté de la ville de Quimper, dans le village de Kerfeunten qu’est créé le premier vrai ballet populaire de Bretagne : Eostiged Ar Stangala.

 

Eostiged ar Stangala, 2005

La démarche intacte de jean Guihard transmise jusqu'à ce jour par le Groupe de Quimper Kerfeunten, l'imagination et la qualité d'interprétation toujours au rendez-vous.

                     Dans le cadre de ce ballet, Jean Guihard écrira beaucoup de chorégraphies, dont les plus célèbres sont sans nul doute celles créées pour le festival de la danse bretonne de Guingamp en 1965 intitulées « A la Saint Loup » où il présente une mise en scène très originale d’une Skubel, d’une dérobée de Guingamp, d’un En-avant-deux du Trégor et d’une variation sur des Guédennes de Langueux. Dans cette suite sera créée une pièce chorégraphique que le ballet donnera jusqu’en 1988 (emvod finistérien), intitulée Er Pipec Gwened. Dans cette pièce, Jean Guihard introduit, en plus de la variation sur des musiques et des pas traditionnels, de la danse en technique néo-classique (le contemporain de l’époque), les costumes stylisés (costumes scéniques) et des créations musicales d’inspiration populaire (dans l’esprit du travail de Kodály ou Bartók) signées Italo, son musicien chef d’orchestre. La musique est assurée non pas par des instruments traditionnels, mais par un véritable orchestre, ce qui permet de développer les ambiances musicales qui portent la danse.

Il va sans dire que cette pièce majeure va profondément et durablement diviser le « milieu breton », jusqu’à aujourd’hui, entre les tenants du folklorisme (les « traditionnels » qui n’ont rien de traditionnels) et les partisans d’une Bretagne porteuse d’un message culturel fondé sur ses racines, intégrant les sensibilité d’aujourd’hui (les « scéniques »). Cela débouchera quelques années plus tard sur la scission d’un certain nombre de groupes au sein de la fédération Kendalc’h, qui partiront et créeront l’association War ‘l Leur, regroupant les groupes ne souhaitant pas faire évoluer la vision néo-traditionnelle de la danse bretonne d'alors (selon la définition de G. Paugam). Ces deux visions radicalement opposées servent encore de fondement aux expressions scéniques de chacune des deux fédérations. D’un seul coup d’œil, on peut rattacher chaque groupe de Bretagne au travers de sa production scénique à sa fédération d’appartenance.

Pour résumer les apports de Jean Guihard à la danse Bretonne on peut retenir les points suivants :

Tout d’abord, il a rallié à la danse populaire des milieux qui ne la pratiquaient pas ou peu, notamment les jeunes populations urbaines, avec leur vision du milieu rural.

Il impose le fait que la danse traditionnelle est la danse qui est pratiquée par les populations rurales, dans leur milieu, et que cette danse n’est traditionnelle que si elle est un des éléments constitutifs des fonctionnements sociétaux (il rejoint ainsi les visions de Jean-Michel Guilcher et des ethnologues). Il en découle plusieurs conséquences :

-         Toute danse portée à la scène change de nature et devient alors une discipline artistique autonome avec ses propres règles qui sont, entre autres, celles des techniques de spectacle. Le caractère breton est alors construit et porté par une matière première d’origine traditionnelle, qui est retravaillée pour élaborer un langage spécifique à chaque groupe.

 

Cercle Celtique de Theix

Avec Patrick Jehanno, Theix inaugure, notamment dans « La Lettre à Anna », une nouvelle école chorégraphique qui sera intégrée dans la réflexion chorégraphique de Bleuniadur (Saint Pol de Léon).

 

-         La notion de rattachement exclusif d’un groupe à son répertoire de terroir n’est plus de mise parce que le groupe n’est plus un groupe ethnique, c’est un groupe stylisé porteur de son propre message. Cela fait que le groupe d’un terroir peut proposer dans son spectacle des danses de tous les autres terroirs de Bretagne. Cela est courant à l’heure actuelle, mais fut source de bien des débats à l’époque.

Kevrenn Alre - Auray

Après avoir suivi la voie de l'école Guihard, la Kevrenn Alre a su créer une école de danse propre, adaptée au bagad. Cette démarche est à rapprocher des déclinaisons du Ballet Slovanski de Cracovie (Évolution du Ballet populaire classique).

 

-         Le danseur d’un groupe de spectacle est un danseur et, de ce fait, doit maîtriser les techniques de la danse (à commencer par son matériel traditionnel, et ceci n’est pas négociable) mais aussi les techniques générales de la danse visant à construire le corps du danseur. Jean Guihard utilisera pour cela la technique classique et néo-classique. Il retrouvera ainsi le port de corps des danseurs traditionnels. L’élégance et l’énergie de ces danseurs seront toujours pour Jean Guihard une fascination (il le confirma à l’occasion d’une conversation lors du festival de Cornouaille en 1998).  

 

Kanfarded Saint Evarzeg

Jeune cercle non encore fixé dans son école chorégraphique, il synthétise les influences Guihard (Kerfeunten) et rennaise (à partir de la réflexion chorégraphique de Pont l'Abbé).  

 

Il impose le fait que la notion de « sens » est inséparable de la production scénique. La danse n’est pas de la gymnastique en musique, c’est autre chose. De ce fait, il écrit des chorégraphies à thème, réclamant une interprétation de la part des danseurs, et leur laissant volontiers des plages d’improvisation dans certaines séquences (par exemple lors de sa première chorégraphie sur le carnaval).

 

Le sens doit envahir l’ensemble du propos. On débouche alors sur la notion de spectacle construit où chaque séquence illustre et porte le propos dans un contenu original. Il impose la notion de cohérence sur la durée, et donc, de spectacle.

Bleuniadur - Saint Pol de Léon

Une approche spécifique de la scène dans l’expression bretonne, alliant  des productions dans la lignée Guihard – Paugam (sens, technique traditionnelle) à des productions de recherche chorégraphique inspirées de la danse contemporaine (propos et intention). La danse traditionnelle est alors enchâssée dans la danse contemporaine et revisitée par ses techniques. Il en résulte un langage chorégraphique original dont la pièce intitulée « The Letter » ci-dessus, est très représentative.              

                     A partir de cette vision où le sens prime, il en découle que tout se met au service du sens et que, naturellement, les costumes ne deviennent qu’un des éléments au service du contenu (on peut donc le styliser ou en créer des nouveaux).

 

Eostiged ar Stangala dans les années 1980

La révolution de Guihard passait aussi par un détachement envers les costumes. La création du costume est contemporaine, confiée à Le Minor de Pont l'Abbé. Le costume accompagne l'évolution de la danse.

 

                     Il en est de même pour la musique. Cela implique la possibilité de faire évoluer la nature de l’accompagnement musical (création d’orchestres au lieu d’instruments traditionnels), autorise les arrangements et, en finalité, l’acte de création musicale.

Kerlenn Pondi

Encore une déclinaison de l'école rennaise. C'est vraisemblablement à l'heure actuelle toujours la référence en matière de fusion scénique Bagad cercle.

 

                       Jean Guihard impose par ailleurs un nouveau mode de militantisme culturel, qui passe par la notion de production de qualité, identifiable par tout public, quelque soit sa nationalité ou son origine, par le respect des règles communes d’interprétation. Il ne suffit plus d’être natif de « Ploumachin » et de faire n’importe quoi sur scène, sous prétexte que l’on est un breton engagé (« La militance ne remplace pas la compétence », dit Fañch Morvannou - NDLR). Cette affirmation fera que, dans le milieu bretonnant, le ballet de Kerfeunten aura une place à part jusque vers 1995, et sera reconnu par le « milieu autorisé », comme l’un des leaders de la scène bretonne.

 

  Warc’hoaz – Fontainebleau

Une révolution en son temps, ce groupe intègre pour la première fois la danse contemporaine dans son propos. Il démontre que la collaboration entre la danse traditionnelle et la danse contemporaine apporte réellement un plus à l'approche scénique et à la construction du sens. Ces visionnaires seront victimes des puristes folklorisant lors d'une mémorable soirée du Festival de Cornouaille. La seule soirée ou il y eu des altercations entre spectateurs à propos d'un contenu scénique.

                                     Jean Guihard est donc tout à la fois un visionnaire et un précurseur. Il a amené très tôt en Bretagne une vision réellement innovante de la danse bretonne adaptée à la scène. Sa vision est encore, aujourd’hui, étonnamment moderne et sert toujours de fondement aux grands chorégraphes bretons. Son esprit perdure dans les productions des Eostiged Ar Stangala de Quimper, de la Kevrenn Alre de l’époque Hellec-Arhuero, de Warc’hoaz de Josy Le Guennec, du cercle celtique d’Orvault (dont Jean Renaud était le chorégraphe), de Nevezadur - Paris, du cercle celtique d’Elven, du cercle celtique de Poissy, du cercle celtique de Redon, de Dihun et du cercle celtique de Monfort-sur-Meu de la grande époque, de Patrick Jehanno avec le Cercle Celtique de Theix, de l’Ensemble Bleuniadur de Saint-Pol-de-Léon, du Cercle Celtique de Quimperlé et du cercle Ar Vro Vigoudenn de Pont l’Abbé.

  Ar Vro Vigoudenn - Pont l'Abbé

Cercle atypique dans la fédération War ‘l Leur, ce groupe est un pur produit de la lignée Guihard. Ce qui l'en distingue légèrement c'est le rapport au costume traditionnel qui tient une place importante dans l'approche scénique.

                    On ne peut ici que remercier cet homme pour son apport à la danse de scène de Bretagne, se souvenir de l’homme de qualité qu’il était et le faire vivre le plus longtemps possible par des productions scéniques de qualité.

 Kenavo Aotrou Guihard. 

Alain Salou

Directeur Artistique de Bleuniadur.

 

Un grand merci à René Guéguen et Jean-Michel Le Viol pour leurs informations concernant le parcours de Jean Guihard.

N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques pour apporter des précisions à cet article en écrivant à contact@bleuniadur.com 

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8 avril 2006 6 08 /04 /avril /2006 10:11

              Dans le prolongement de l’article en hommage à Jean Guihard, voici quelques photos du Cercle Celtique de Dinan qui viennent compléter le parcours du chorégraphe et l’histoire du groupe du Poudouvre. Un grand merci à René Guéguen pour ces photos.

Dinan - Années 1970

C’est au groupe du Poudouvre à Dinan que Jean Guihard entamera sa démarche chorégraphique, qu'il affinera ensuite à Quimper. On retrouve ici, dans les années 1970, deux éléments de l'approche scénique : le costume stylisé et la caractérisation sexuée de la danse traditionnelle.

René et Marie-Claire Guéguen

Les véritables successeurs de Jean Guihard à Dinan. Ils ont su prendre la relève, puis apporter un langage original au groupe du Poudouvre dans les années 1970-80. L’élégance de ce couple a servi de modèle à nombre de danseurs. La confrontation Saint-Brieuc-Dinan sera un moteur fort de l'évolution de la danse bretonne sur scène des années 1970-80. Avec Orvault et les groupes de la région parisienne, leur vision régnera sans partage sur la mise en scène de cette époque.

Groupe du Poudouvre de Dinan - Années 2000

Le Cercle de Dinan s'est progressivement détaché des influences Guihard pour se rapprocher de l'école Rennaise. Ce phénomène s'est accéléré dans les années 2000, époque de la photo.

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5 avril 2006 3 05 /04 /avril /2006 15:28

Une ode au corps et au moi 

             

             Les différents styles de danse sont souvent assez cloisonnés et vivent généralement les uns à côté des autres sans se connaître ni se côtoyer. Les danseurs de tradition bretonne n’échappent pas à ce principe et connaissent mal le classique, le jazz ou même les autres danses traditionnelles. L’histoire de la mise en scène de la danse bretonne est pourtant marquée de rapprochements plus ou moins importants vers la danse contemporaine, et ces dernières années se sont multipliées diverses expériences, plus ou moins réussies, d’interventions de chorégraphes contemporains dans des groupes bretons. Certains ballets bretons ont compris ce que la danse contemporaine, dans sa réflexion sur la gestuelle et la mise en scène, pouvait apporter à la modernisation de notre tradition scénique. Cet apport est pourtant difficile à conceptualiser, car la danse contemporaine ne se laisse pas décrire facilement. Au-delà de la danse, c’est surtout un art contemporain qui, au même titre que la musique ou la peinture, possède ses codes propres, et donc nécessite des grilles de lecture pour qui veut l’appréhender.

           Pays de danse, la Russie connaît actuellement un développement remarquable de la danse contemporaine. Elle suscite donc un certain nombre d’interrogations auxquelles tente de répondre un journaliste dans un article paru dans Ogonioc, un journal de Moscou, et publié dans le Courrier International du 23 juin 2005. J’en retranscris ici des extraits qui peuvent éclairer l’amateur de danse.

            

            Démocratique, spontanée, proche des émotions de l’homme moderne, la danse contemporaine connaît un essor particulier en Russie. Elle pallie l’impossibilité de dire à l’aide des mots ce que, pourtant, l’individu ne peut taire.

             La danse classique est à l’érotisme ce que la danse contemporaine est au sexe. Autant l’art académique s’efforce de dissimuler les aspects trop humains, autant la danse contemporaine les met en avant. Le principe du ballet c’est l’aspiration à l’harmonie, à un idéal de beauté et de proportions ; alors que la danse contemporaine joue sur la discordance et l’absence de normes et pose des questions qu’elle laisse sans réponse.

                       Le ballet classique : recherche d'harmonie et d'un idéal de beauté.

             La danse contemporaine nous affirme que les princes charmants et les cendrillons n’existent plus, qu’il n’y a que des gens ordinaires bourrés de complexes. Au lieu d’un jeune cygne, elle nous offre un homme au regard halluciné qui grimpe aux murs, patauge à quatre pattes dans du sang, chute et se relève. Nul besoin de nous expliquer, à nous qui vivons en ce début de XXIe siècle, qui est cet homme. C’est nous-mêmes. La danse contemporaine est le ballet classique des 20-30 ans. La danse contemporaine est le plus libre des arts, un art dont la règle d’or est d’enfreindre toutes les règles.

          V - Mark Morris Dance Group, une compagnie new-yorkaise qui mène une démarche passionnante.

             Le spectacle Nos huit différences de Dana Bouzovkina et Taras Bournachev, donné au Théâtre de la lune [à Moscou], est la création la plus retentissante du moment. Huit combinaisons relationnelles entre un homme et une femme. La salle est désemparée, effarée, accablée. “Je crois que j’ai compris pourquoi je t’ai épousée”, murmure à sa femme un spectateur assis près de moi.

            Eh oui ! Il y a de l’humain dans la danse contemporaine. Et voici ce qu’il n’y a pas.

1. Pas d’exercices épuisants à la barre de 9 heures à 18 heures. Contrairement aux danseurs classiques, les danseurs contemporains ont généralement eu une enfance normale, loin des prisons académiques portant des noms de ballerine et communément appelées “écoles de danse”. Ainsi, les yeux de ces danseurs (habituellement nommés “performeurs”) brillent d’une lueur égale, claire, dans lesquels on ne lit pas la terreur de l’échec, de la faute, alors que les danseurs classiques ont toujours cet air traqué de caniches en promenade.

2. Ni pointes ni tutus. Cela ne surprend plus de nos jours, car le ballet classique commence lui aussi à se délester peu à peu de son attirail conventionnel. Dans la danse contemporaine, le principe a dès le début été de présenter le danseur sur scène... pas tout à fait comme au jour de sa naissance, mais fagoté comme l’as de pique. En chemisette à carreaux. En robe de chambre. Et toujours pieds nus. Les pieds nus sont l’emblème de la danse contemporaine.

             

Des vêtements du quotidien à la nudité : le costume... ou son absence participe à la réflexion sur le corps.

 

 

3. Dans les spectacles de danse contemporaine, il n’y a pas d’intrigue au sens traditionnel du terme (le prince va bondir, enlever Cendrillon, et tout le monde va danser de joie). Ici, le sujet est intérieur, il se développe de manière systémique et non linéaire.

4. D’une danseuse de danse contemporaine, il est impossible de dire avec des trémolos dans la voix : « Looorsqu’elle daaansait au Booolchoi ». Leur présence au Bolchoï ne peut se concevoir qu’à titre exceptionnel, pour la cérémonie des Masques d’or [récompensant les meilleurs spectacles]. Sinon, les danseurs se produisent dans des salles polyvalentes, des usines désaffectées, lors de défilés de mode ou simplement dans la rue.

5. Il n’y a pas de danseurs de second plan, ni de corps de ballet. Chaque artiste est le personnage principal. Cet art égoïste et individualiste est pétri de narcissisme. Le thème essentiel de la danse contemporaine, c’est “moi”, “moi et le monde”. Personne n’est remplaçable : si on change un danseur, le spectacle tout entier s’en trouve transformé.

 

            Avec Merce Cunningham, chaque danseur devient un centre (Merce Cunningham Dance Company).

 

6. La taille, le poids et le physique du danseur n’ont aucune importance. Alors que, pour la danse classique la notion d’apesanteur est primordiale, le danseur contemporain sait combien pèse son corps, combien pèse son bras, et tous ses mouvements l’expriment.

7. Pour la danse contemporaine, nul besoin d’un diplôme de chorégraphie. On peut se passer de tout diplôme. Il suffit d’avoir des bras, des jambes... et une tête.

                                              "Shazam" de Philippe Decouflé, une utilisation de la vidéo en danse.

           

             D’ailleurs, l’appellation “danse contemporaine” n’est ni exacte ni définitive. Cet art se distingue par le fait que les règles qui le régissent ne sont pas encore établies : c’est un art expérimental, chose rare de nos jours. Le vrai héros de la danse contemporaine est le corps humain. En lieu et place des décors, des constructions étranges voire une installation vidéo. “Le performeur ne représente rien ni personne”, explique la critique Natai Kourioumova. “Il n’est ni plus ni moins qu’un corps dans le présent. Idéalement, la danse contemporaine aspire à sortir du cadre de l’art pour devenir un outil de connaissance de soi et de développement de la personnalité.”

Tensile Involvement - Alwin Nikolaïs, chorégraphe et pédagogue, a marqué profondément la danse en France.

              Aujourd’hui, la plupart de nos divertissements sont conçus en dehors de nous, dans le secret des bureaux des producteurs. La danse contemporaine russe, elle, comme tout art authentiquement populaire, s’est développée seule. En Occident, elle a surgi au milieu du XXe siècle, et en Russie, dans les années 1980. Soudain, dans différentes villes, des gens ont souhaité s’exprimer avec leur corps, mais d’une manière nouvelle.

                   José Limon a eu une influence considérable sur la danse aux Etats-Unis et en Europe.

              La danse contemporaine est un art nerveux, spontané, l’art de la dernière chance : son apparition coïncide avec cette impossibilité de dire à l’aide des mots tout ce qui nous arrive et qu’on n’a plus la force de taire. C’est alors qu’on laisse parler le corps. Ainsi naît la danse contemporaine rappelant le ballet dans sa forme, le théâtre par sa tension intérieure et la musique symphonique dans son fonctionnement par associations. Les mots clés pour en discuter: Martha Graham, José Limon, Merce Cunningham, les “12 non” de la Judson Church (un anti-code des lois des performeurs actuels, dont le principe essentiel est : “Allez vous faire voir avec votre Lac des cygnes”).

                             Martha Graham, une des plus grandes figures de la danse moderne américaine.

              En quoi consiste la danse contemporaine ? C’est un creuset qui rassemble tous les procédés artistiques que l’humanité a créés depuis les origines (de la danse folklorique au ballet, en passant par la pantomime, le yoga, le tai-chi) plus de la vidéo, du théâtre, de la musique, du graphisme. Quel est l’intérêt de mélanger tout cela ? Le langage du ballet ou de la danse populaire ne permettait pas d’exprimer toute la gamme de sentiments et d’émotions dont déborde l’être humain d’aujourd’hui. Dans un contexte de solitude mondiale, celle de l’homme de notre temps, pris dans les griffes de la société de consommation, une ballerine qui compte la mesure ou un acteur qui déclame les répliques des Trois Soeurs n’apporte pas de réponses à nos questions. Or c’est ce que nous cherchons.

L'Afrique : de la danse traditionnelle (ici dans un village Zulu) à la danse contemporaine.

             

 

 « Epitaphe pour Barbie et Ken. Implantation de système sanguin. Ken verse le sang... à suivre »” « Tout ce que j’ai en moi, je l’ai maintenant. Cela signifie que je peux ouvrir à tout instant n’importe quelle porte de mes pièces intérieures. » « C’est une histoire où l’enquêteur, le criminel et la victime sont mon propre corps » (extraits de programmes présentant les spectacles de danse). Si la danse classique est une façon de s’exprimer avec le corps, la danse contemporaine est une façon de réfléchir avec le corps. Tout homme qui souhaite se faire mieux comprendre s’aide inconsciemment de ses mains, dessine dans l’air des ellipses et des cercles. Notre corps est bien plus intelligent que notre cerveau, il sait mieux que nous ce que nous voulons dire exactement. Demandez à votre amie, le matin, avant qu’elle parte au travail, de décrire par gestes ce qu’elle pense de la réunion avec son chef qui va lui demander le rapport financier de l’entreprise. Je vous garantis que vous en retirerez un vif plaisir. Vous comprendrez que la passion vit encore dans son corps délicat.

 

La compagnie Sankai Juku.

Le butô : danse contemporaine au Japon.

 

 

 

             L’association d’idées est la seconde particularité de la danse contemporaine. Personne n’explique au spectateur ce qu’il est en train de regarder. Il est même impossible de dire exactement de quoi il retourne. Le spectacle est bien sous-tendu par une idée, mais allez donc savoir ce que signifient les oranges qui roulent sur la scène. C’est à chacun de tirer ses conclusions. Ou de rester dans le vague. Enfin, la danse contemporaine offre (avec la musique) le plus de place à l’interprétation personnelle. Les représentants des arts classiques considèrent encore la danse contemporaine comme un jeu puéril. Il se pourrait pourtant que cet art préfigure tous ceux du XXIe siècle. Les spécialistes de la culture observent que toutes les formes d’art semblent tendre à une fusion totale. Si tel est le cas, la danse contemporaine, avec sa souplesse et son caractère démocratique, a toutes les chances de devenir le terrain où édifier une nouvelle Babylone des arts.

 

 

 

"Writings on Water" de Carolyn Carlson, une des fondatrices de la danse contemporaine en France.

 

             La génération des 20-30 ans, pour qui l’art n’est pas que beauté figée, mais véritable pratique, pourrait faire de la danse un programme d’apprentissage grandiose pour “travailler le monde”. Le volume d’informations que nous recevons augmente chaque jour ; le problème principal est leur sélection. Comment choisir ce qui est nécessaire, comment retenir ces myriades de chiffres, de faits ? Nous avons besoin d’une intuition développée, d’une intelligence visuelle, d’un mode de pensée par associations. Aujourd’hui, développer ces capacités ne demande pas forcément de fréquenter des séances d’entraînement et des séminaires : l’art contemporain, dont la danse, nous offre cette possibilité pour presque rien.

 

                   Parce qu'il a su toucher un large public, Maurice Béjart symbolise, pour beaucoup, la danse contemporaine.

                  Si la gestuelle minimaliste et l'utilisation de la musique concrète l'ancrent dans la modernité, son langage chorégraphique fait pourtant de lui un "néo-classique".

 

 

Merci à Laurent Pailler pour ses photos : www.laurentpaillier.net

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