Henri,
Henri Coursaget Vient de s’éteindre . Figure emblématique du festival international de
Confolens, fondateur du CIOFF et Ami du Monde, il tire sa révérence à 86 ans en son paisible
village de Charente promu pour l’éternité capitale du monde.
Il est difficile d’écrire tant l’émotion nous submerge, émotion de peine dévastatrice, raz de
marée d’intensité extrême, à la force des plaisirs et des joies qu’ils nous aura donnés, que
ceux-ci soit physiques par la beauté des spectacles qu’ils nous a donné à voir, ou intellectuels
par l’intensité des réflexions et des rencontres qu’ils nous a permis d’avoir.
Comme vous le savez Henri était un homme chaleureux, de conviction, d’une exigence
extrême, sachant à la fois s’attacher à chacun et porter un groupe au dépassement extrême.
C’est à cet homme, que nous avons côtoyé au plus prés pendant notre séjour au Festival de
Confolens, que nous souhaitons dire Merci. Merci pour son œuvre et son engagement envers
les arts traditionnels du Monde, mais aussi Merci au Nom de Bleuniadur, Merci pour m’avoir
permis de Rencontrer Igor Moïsseiev, Alexandro Tapia, Baffucci, Medelin, Sloviansky et la
liste serai longue, Merci de nous avoir permis de fonder une réflexion chorégraphique qui a
guidé toute la vie de notre groupe.
On lira dans les biographies paraissant ces jours-ci toute l’œuvre et l’engagement de cet
homme, nous souhaitions pour lui rendre hommage simplement lui dire combien on l’a aimé,
admiré, combien il nous a inspiré dans notre démarche culturelle, et combien nous nous
estimons chanceux de l’avoir côtoyé pendant plus de trente ans, en Festival, au CIOFF et en
aparté dans ces conversations sur la mise en scène de la danse traditionnelle qui faisant briller
ses yeux malicieux comme les pépites d’un trésor que l’on a longtemps cherché et qui se
dévoilent à vous par le regard de l’autre.
Souvenez-vous lorsque nous quittions Confolens et que Henri et sa petite fille venaient
prendre congé,, je vous avais dit : « profitez de ce moment, mémorisez le, appréciez chaque
instant de cette rencontre, vous avez la chance de rencontrer l’un des grands hommes de
ce siècle, et vous pourrez dire j’ai rencontré Henri Coursaget », ceci est encore plus vrai
aujourd’hui, Henri, Un Grand Homme tout simplement…….
Henri Coursaget, le Cœur du monde….
Ces lignes ci-dessous sont celles du journaliste Patrick Servant que nous avions rencontré
lors de notre séjour à Confolens, en conclusion de la préface de l'ouvrage « Confolens, la
magie du folklore », récemment publié aux éditions du Croît Vif.
Les extraits ci-dessous sont issus de cet ouvrage et illustrent parfaitement la vie passionnante
d’Henri Coursaget.
Pied de grue pour échassiers
« C'était en 1958. Lors du premier vrai festival. J'étais délégué du groupe landais de Bazac
qui devait arriver à "7 heures", à Confolens. Le point de rendez-vous était devant l'hôtel-
restaurant de la Belle Étoile. J'y étais pile à 7 heures. Et j'attendais, j'attendais… En fait j'ai
passé toute la nuit dehors, pensant qu'ils avaient eu un problème en route. En fait, le groupe
est arrivé le lendemain, à 7 heures, comme convenu ! »
Rallumer la femme
« J'étais parti en Sibérie rencontrer une troupe pressentie pour venir au festival. Là, dans un
village isolé au bout du monde, où il faisait - 40°, le chef du village a voulu m'échanger sa
femme contre une boîte d'allumettes. Très peu pour moi, car enduite de graisse pour lutter
contre le froid, elle sentait très fort le rance. Et de toute façon, je n'avais pas d'allumettes sur
moi. »
De Confolens à Oradour
« Je me souviendrai toujours de la première fois où l'on a invité un groupe allemand, au
début des années 60, une vingtaine d'années seulement après Oradour-sur-Glane. Ce
drame était encore dans les esprits. C'était une fanfare de la Sarre, je crois. Ils nous ont
demandés si Oradour-sur-Glane était loin de Confolens. Quand je leur ai dit qu'on en était
à 35 kilomètres, ils m'ont répondu qu'ils ne viendraient pas. Madame Lise, la secrétaire du
festival, qui parlait bien allemand, les a convaincus de venir. Et ils ont défilé avec le drapeau
allemand que je leur avais remis, au lieu du drapeau de leur province qu'ils avaient apporté.
Il y a peut-être eu un ou deux sifflets dans la foule, mais c'est tout. Durant le festival, j'ai
accompagné le groupe jusqu'à Oradour, où il a déposé une gerbe de fleurs, en présence de
toutes les associations de déportés et d'anciens combattants. Ce fut très émouvant. »
La chamane
« Au final du 50e festival, en 2007, alors que la pluie redoublait d'ardeur sur la
manifestation, Philippe Beaussant, le directeur du festival, était à deux doigts de tout stopper.
Une de mes connaissances me parle d'une femme chamane capable de renverser la situation
en invoquant les forces célestes. Elle la contacte, et dans le quart d'heure qui suit, la pluie
cesse. J'attrape le micro que Philippe avait en main sur scène et j'annonce que la fête, certes
chamboulée, ira bien jusqu'à son terme. Le spectacle sitôt terminé, vers une heure du matin,
la pluie s'est remise à tomber. J'ai essayé de contacter cette chamane plus tard, après le
festival, elle n'a jamais voulu me parler. Je n'ai jamais su comment elle avait pu réussir à
stopper la pluie durant deux heures. »
Dans de beaux draps
« Un jour, un délégué est venu me voir en me disant qu'il y avait un problème avec les
danseurs polonais. Les draps de leurs lits, au lycée, étaient tout noirs. Après enquête, on s'est
rendu compte qu'ils dormaient avec leurs bottes ! Car en Pologne, à l'époque, il paraît qu'ils
dormaient chaussés du fait que les couvertures ne descendaient pas jusqu'au bout du lit. »
Paix
« Un jour, j'ai réussi à faire venir la même année à Confolens une troupe d'Israël et une
troupe de Palestine. Ça n'a pas été très simple, du côté des autorités administratives. Sur
place, les deux groupes ont fraternisé, ils mangeaient à la même table au restaurant du lycée,
ils se parlaient en toute amitié. Je sais qu'ils sont restés longtemps en contact. En 2006, j'ai
fait monter sur scène trois enfants de trois religions différentes, une petite catholique, un petit
juif et un petit musulman, précisément pour faire passer ce message de paix. »
Crazy Pygmées
« Toujours en 1996, on avait invité pour la première fois une troupe de Pygmées. Quand
ils sont arrivés à Paris, on a fait coup double : à leur descente d'avion, on les a emmenés
au Crazy Horse, où on avait rendez-vous pour caler la venue de la troupe de danseuses à
Confolens. C'est comme cela que les Pygmées, qui n'étaient jamais sortis de leur pays, se
sont retrouvés sur la scène du Crazy avec des filles qui faisaient 1,75 m ! Les mauvaises
langues disent que ce sont les Pygmées qui m'ont appris à danser la valse… Il est vrai que j'ai
toujours été en disgrâce avec les danses traditionnelles. Un comble ! »
On trouve dans cet ouvrage, encore mille et une péripéties de celui qu’on aurait pu appeler :
Le Cœur du monde, tant cet homme de paix était à l’unisson des cultures et des hommes qui
les portait, un grand homme, un exemple tout simplement……