Lors de sa dernière création, « E kreiz an noz », l’Ensemble des Arts et Traditions Populaires du Léon Bleuniadur présentait pour la première fois un costume de Saint Pol de Léon des années 1840 à 1870. Ce costume de grand dimanche a pu être reconstitué grâce à plusieurs recherches effectuées à la fin du XIXe siècle pour deux d’entre elles, et tout au long du XXe, pour les autres sources.
Territoire
L’aire de répartition identifiée de ce costume concerne la ville de Saint Pol de Léon, la ville de Plougoulm (dans une version un peu plus récente) d’après les travaux de F.H Lalaisse, celles de Cléder et Plouescat (Collection de Keriolet) et de Plouvorn (Collection iconographique C.Gallic). Il est à noter que la description du costume évolue dans le temps et que, plus l’on s’éloigne de Saint-Pol, plus la mode est ancienne. Le costume de 1840 est présent à Plouescat en 1870 alors qu’il a déjà sensiblement évolué à Saint Pol de Léon où il est presque abandonné, et qu’il a subit une évolution importante à Plougoulm.
Le costume
Il y a unanimité quant aux constituants du costume féminin. Celui-ci se compose d’une jupe de drap bleu, marron ou noire recouvrant deux ou trois jupons de couleurs (deux à Roscoff, trois à Plougoulm). Les couleurs citées sont le rouge, le bleu et le blanc à Plougoulm, le vert, le bleu et le blanc à Roscoff.
Le haut du costume se compose d’une chemise de mousseline brodée, d’une veste de drap toujours noire, et d’un châle de taille moyenne couvrant le haut des épaules jusqu’au coude. Un tablier de couleur de grande taille, sans broderies, possédant un grand devantier sans ornementation vient compléter la tenue. Les couleurs les plus citées sont le violet et le rose à Plougoulm, le noir, le brun, le jaune et le vert à Saint Pol de Léon, le bleu et le brun à Plouescat.
La coiffe
En ce qui concerne la coiffe, elle porte pour la première fois l’appellation Chikolodenn (au moins à Saint Pol de Léon), se démarquant ainsi de la Chicologwen qui l’avait précédé. Sur les autres communes elle perdurera sous cette appellation de Chicologwen. Pour les recherches sur cette coiffe, la date retenue par Bleuniadur est celle de 1870. A cette époque, les sources distinguent trois évolutions sensibles de la forme de la coiffe. A Cléder et Plouescat (collection de Keriolet), elle présente sa forme la plus archaïque. La visagière n’est formée que d’une très grande pièce de tissu repliée en trois, ornée d’un biais de couleur, se repliant en pointe sur les côtés. A Plougoulm, la coiffe présente une forme plus évoluée. Elle est déjà plus petite et la visagière se compose de deux pièces, les plis se faisant sur la seconde partie de la visagière, le biais de couleur s’étant déplacé en bordure de la première pièce. A Saint Pol de Léon, la coiffe est plus petite, la visagière comporte deux pièces, mais de taille inégale, et le fond s’est agrandi. C’est cette coiffe qui évoluera vers la Chicolodenn moderne.
La coiffe est, selon les usages et les descriptions, de mousseline blanche et fine à Plougoulm, de drap grossier blanc à Plouescat et Cléder, de drap bleu, noir, marine ou brun rouge à Saint Pol et à Roscoff, de cotonnade bleue ou noire à Plougoulm. Les descriptions varient selon les sources. Une chose est certaine, c’est qu’elle existait en plusieurs couleurs.
Cette coiffe sera portée jusque dans les années 1930 par les vieilles personnes de Saint Pol de Léon et sera ensuite remplacée par la Chicolodenn et la coiffe de travail, qui s’appelle Tok Heol à Saint Pol et Chelguen à Plouescat.
Histoire
Ce costume féminin fait transition entre les modes colorées de la première moitié du XIXe siècle sur le pays de Saint Pol et les suivantes, plus sombres. Cette mode annonce l’austérité décrétée par le Clergé, qui trouvera son apogée en 1890 à Saint Pol de Léon. Déjà, on constate l’abandon de la couleur, mais aussi des galons de métal, des broderies et des matières nobles (tulle, dentelle au fuseau, Valenciennes et Calais) au profit de matériaux plus ordinaires, masquant les statuts sociaux et les états de fortune, et faisant disparaître les formes des corps qui étaient si avantageusement mises en valeur précédemment.
Note : La « collection de Keriolet » fut constituée au château du même nom à Concarneau par le peintre concarnois Théophile Deyrolle. En 1891, Keriolet devient musée départemental. Deyrolle en prend la direction et commence une intéressante collection de coiffes et de costumes bretons anciens des années 1820 à 1890. Cette collection est aujourd’hui propriété du Conseil Général du Finistère.
Les photos montrent le costume reconstitué à partir des photos de la coiffe (collection de Keriolet), de l’étude de F. H. Lalaisse à Plougoulm et de photos début du XXe siècle à Saint Pol de léon.
Texte d’Alain SALOU, directeur artistique de Bleuniadur
Merci à Julie et Solenn pour s’être prêtée patiemment à la séance de photos.