Pour compléter l'article publié précédemment sur la danse contemporaine (voir l'article), voici une autre approche, proposée par Laurence Louppe, dans son livre Poétique de la danse contemporaine (2004, pp. 36-37)
Signes
de Carolyn Carlson
Pour moi, il n’existe qu’une danse contemporaine, dès lors que l’idée d’un langage gestuel non transmis a surgi au début de ce siècle: mieux, à travers toutes les écoles, je retrouve,
peut-être pas les mêmes partis pris esthétiques (ce qui a peu à peu, dans ce travail, perdu son importance) mais les mêmes « valeurs » :
valeurs subissant des traitements parfois opposés, mais à travers eux toujours reconnaissables (ce qu’une Françoise Dupuy appelle très bien les “fondamentaux de la danse contemporaine”),
l’individualisation d’un corps et d’un geste sans modèle, exprimant une identité ou un projet irremplaçable, « production » (et non reproduction) d’un geste (à partir de la propre
sphère sensible de chacun - ou d’une adhésion profonde et voulue au parti pris d’un autre). Le travail sur la matière du corps, la matière de soi, (de façon subjective ou au contraire en
fonctionnant sur l’altérité) ; la non-anticipation sur la forme (même si des plans chorégraphiques sont arrêtés à l’avance comme chez Bagouet ou Lucinda Childs), l’importance de la gravité comme
ressort du mouvement (qu’il s’agisse de jouer avec elle ou de s’y abandonner).
Bamboo
Blues de Pina Bausch
Des valeurs morales aussi comme l’authenticité personnelle, le respect du corps de l’autre, le principe de non-arrogance, l’exigence d’une solution ‘juste’ et non seulement spectaculaire, la
transparence et le respect des processus et des démarches engagés. […]
L’important est de savoir que ces ‘valeurs’ n’ont pas changé. Que quand elles s’absentent, quelque chose de contemporain s’évanouit ou se perd, et n’est, à ce jour, remplacé par rien d’autre, sinon le formalisme ou la modélisation sur des acquis reproduits.